Montres de prestige Rilogi



CORALLIUM RUBRUM, la fièvre rouge




 
A toi, mon ami A. qui veut rester dans l'ombre, tu sais qui tu es, merci infiniment !



Au départ, quand tu plonges, tu es émerveillé quand tu t'entends dire "je suis ceci" ou "je suis cela", "moi j’ai plongé avec untel", "j’ai tel diplôme" etc..." Tu te dis : "Putain, le type c’est un monstre, il connait tout..." 

Et puis tu évolues. Tu plonges. Tu plonges et tu replonges encore. Et puis encore et encore. Tu fais des tas d’erreurs mais c'est comme ça que tu apprends, et tu te rends vite compte que la plupart de ceux qui sont tes "gourous" passent leur vie entre 0 et 10m à faire patauger de jeunes "têtards" qui, peut-être, un jour, auront la chance d’être des grenouilles...

Alors tu cherches d’autres "modèles". Tu commences à lire tout ce que tu peux sur les mélanges gazeux. Tu te renseignes. Tu parles et plonges avec des tas de gens. Tu as soif. Tu étudies. Tu veux comprendre. Tu passes des heures devant des équations, des calculs de désaturation, des mots barbares ...
Rapidement tu perds pied, mais sans jamais boire la tasse… Tu sais que tu as, toi aussi, encore un long chemin à parcourir...

Photo de Henry Germain Delauze, COMEX
 
CORALLIUM RUBRUM, la fièvre rouge

 
Pourtant tu ne veux pas baisser les bras : tu regardes ta montre, et tu te souviens. Tu sais que ces pionniers de la COMEX t'ont donné envie de mettre la tête sous l’eau.
Tu en as lu des histoires sur ces types, tu en as "interviewé" et côtoyé plusieurs. Tous t’ont toujours fait vibrer. Tu portes leurs montres aussi et surtout pour ça !


Et tu te souviens encore…
Tu sais que si tu plonges aujourd'hui, c’est en grande partie grâce à eux, aussi.

Les vrais "Seigneurs de la Mer", ceux qui partent chaque matin sur leur bateau en ne sachant pas s’ils pourront revoir femmes et enfants…

Certains se signent rapidement en priant, après avoir baissé leur masque, juste avant de se jeter à l'eau et peut-être aussi pendant la descente dans le bleu qui les amènera jusqu'à 80m en 1 minute. Pas une seconde de plus.

Photo de François Palun, Corailleur au Lavandou
 

 
"Eux", ce sont les Corailleurs qui descendent "taper le rouge" à des profondeurs inavouables.... La grande majorité plonge encore à l'air : ils ont délaissé les coûteux recycleurs et les mélanges Trimix à cause de leurs paliers quasiment interminables.

Certains avouent même, entre deux voyages, être trop "lucides" avec l'hélium et, de fait, trop conscients des dangers et problèmes qui pourraient survenir et s’enchaîner à de telles profondeurs. 

Des jeunes ont tout de même opté pour cette solution plus technique comme Simone Pierucci de Civitavecchia que l'on voit ici, contrôler son recycleur avant de s'immerger.
 
CORALLIUM RUBRUM, la fièvre rouge

 
Ils ont tous leur diplôme de scaphandrier Class II ou III mention B ainsi qu’une rare autorisation préfectorale qui leur permet de pratiquer ce métier si singulier que beaucoup – peut-être jaloux ou simplement ignorants, voire un peu les deux – ne peuvent pas comprendre.

Non. Tes héros à toi, les "Seigneurs de la Mer" (comme les appelait le regretté Patrick Mouton) plongent à l’air. Avec eux, pas de chichis. Certains font 2 plongées par jour tandis que d’autres se "contentent" d’une seule immersion quotidienne.
Mais, dans un cas comme dans l’autre, ils ne sont pas là pour rigoler.

Eux commencent là où toi et la plupart de tes amis renoncez : 70-75m, mais les plus expérimentés et les plus téméraires frôlent les 150m !
Comme Jean Louis Regis, avant sa disparition, il n’y a pas si longtemps, ou même Toussaint Recco, ici filmé par Cousteau dans le Golfe du Valinco.
 
CORALLIUM RUBRUM, la fièvre rouge

 
Gianni Roghi, journaliste et corailleur (R.I.P) évoque dans un de ses articles de la fin des années 60 une moyenne de 2 semaines de décompression par saison de pêche au corail et des records de profondeur de travail à 115m !

Dans un de ses textes mythiques intitulé "La Fièvre Rouge", il égraine le dialogue intérieur qu’aurait un corailleur au fur et à mesure de sa descente. En voici une traduction, avec l'accord de la gentille Rossella qui s’occupe du site http://www.gianniroghi.com/

"Allez, nous y sommes.
Compense bien. Regarde la ligne : maintenant combien ? 25, purée !
Bien, ca commence à filer, on doit être à 35.
En effet, tu la sens la couche froide ? Plus froide qu'hier, merde.
Compense bien, respire.
Oui, voilà comme ça.
C'est si obscur que c'est laid.
Et si un requin me suivait ? Et mes pieds ?
Maintenant je me retourne et je regarde.
Ne fais pas l'idiot, continue.
Purée, comme ça file. Compense bien.
A combien on sera ? 50, purée.
Je devrais commencer à voir le fond.
Mais oui, bien sûr, écoute-le, celui-là, qui veut voir le fond à 50m.
Ce n'est qu'une question de secondes, non ?
Purée mais c'est quoi cette noirceur ?
Mais arrête voyons !
Attention à la ligne, je suis prêt pour la première pierre.
Quel noir, le ciel s'est couvert ?
Non mais, c'est possible de ne pas encore voir le fond ?
Ca arrive, tiens bon.
C'est déjà tout noir là-dessous, ca devrait… 60, 65.
Oh le voilà, finalement nous y sommes. Très bien.
Respire.
Comment ça se fait que c'est tout plat, qu'est-ce que j'ai raté ?
Mais tu ne le sais pas encore que d'en-haut, tu le vois plat ?
Corail ?
Que veux-tu voir d'ici ?
Attention, car si tu es trop rapide, tu prends des risques.
Lance la première pierre, puis la seconde.
Bien, tu es presque immobilisé.
La troisième.
A l'arrêt, que c'est beau.
Quel tombant, purée, et le corail ?
Calme.
Profondimètre entre 80 et 90, faisons 84.
Quelle beauté ce sera que de travailler cette falaise, qui sait…" 

 
Photo copyright Storie di Corallari, Ninni Ravazza Magenes Editore
 

 
Inutile d’essayer de calculer la PPN2 et la PPO2 en lisant ces lignes : de toute manière, eux y sont habitués !
Bien sûr qu'ils ressentent la tant redoutée narcose. Mais ils la maîtrisent, et lorsqu’ils n’y arrivent plus, c’est un sombre duel avec la mort qui débute.
Aux confins du monde réel et de celui des esprits !

D’ailleurs je voudrais vous raconter cette histoire, "Le Corail et la Sirène" de Ninni Ravazza, ecrivain et corailleur à Trapani en Sicile qui plonge avec sa fidèle Submariner

Voici son récit:

" Mer et femmes, amours et aventures, mirages et réalité, un récit suspendu entre rêve et banalité quotidienne, où la vérité domine la fable.


Est-ce que je nageais, est-ce que je me promenais? Soixante mètres sous la surface de la mer, aux pieds de cette majestueuse falaise immergée, parallèle aux rochers acérés de Punta Nera, à l'ouest de Tahiti auraient chanté Edoardo et Lucio, mais moi, je me contentais d’être à l'ouest de San Vito. Notre mer à nous, pas moins belle.

La-dessous il y a le corail, la plus précieuse des fleurs marines. un rêve, La chimère. Le trésor.

Regardant vers le haut les branches des gorgones filtrent la lumière du soleil, des nuages d'anthias rouges s'ouvrent sur mon passage, un timide homard se réfugie dans la profonde ouverture d'où les filets des pêcheurs ne peuvent pas l'atteindre.

Sur le bateau, il y a le marin qui m'attend, elle a les yeux profonds et des jambes de gazelles, des seins ronds et des lèvres rouges comme le corail, lorsque je remonterai sur l'ancre pour la longue décompression, elle viendra à ma rencontre en retenant son souffle, elle me scrutera à travers le masque coloré tandis que les cheveux longs et crépus se transformeront en gorgones flottantes.

Elle a renoncé à la promotion bien méritée, elle s’était embarquée comme marin et c'est ainsi qu'elle veut rester, même si elle est devenue aussi bonne que son Amiral - ce serait moi - pour faire les manœuvres d'amarrage.

La roche illuminée grâce à la lumière de la torche - il y a peu de luminosité ici et les couleurs ont disparu depuis longtemps - je glisse sur ma droite, quelques branches de corail colorent le gris, trop petites pour me retenir. Qu'est-ce que je recherche? Je n'ai pas besoin de pêcher pour vivre dignement, je ne suis pas intéressé par la richesse - et puis, depuis quand un "corailleur" est-il devenu riche? Le fait est qu'il me plait de rester là, dans un "autre" monde, comme dans les contes de fées. Je suis de l'autre coté du miroir. La surface de la mer est le miroir. Un mérou face à sa tanière est ensorcelé. je cherche le trésor comme dans les truvature , qui, en terre de Sicile, ont attiré des générations et des générations de jeunes hommes et de femmes. Un pot plein de monnaie en or. Le corail est la récompense pour avoir éteint la truvatura. Si je ne trouve pas aujourd'hui, je retenterai ma chance demain. La recherche est mon objectif, pas mon moyen.

Gilgamesh, cinq mille an avant Jésus Christ, cherchait dans l'Hapsu la plante de la jeunesse éternelle et pour le faire il se faisait traîner au fond de la mer avec de lourdes pierres attachées aux pieds, moi, j'ai sur le dos des bouteilles de trente litres.

Le corail devient plus gros, il y a des branches de quatre-vingt, cent grammes, elles valent au moins six cent euros le kilo.

Quelque part il doit y avoir le bon bouquet, celui de kilos et de kilos d'or rouge.

Dorénavant la profondeur est pratiquement de quatre-vingts mètres, je suis proche de la limite de mes capacités. Dans l’abysse quelque chose bouge, prend forme. C'est une Sirène. Elle est magnifique. Elle m'appelle. Je descends pour aller à sa rencontre. J'augmente le rythme de mon palmage. Les quatre-vingt dix mètres sont maintenant tout proches. La Sirène est toujours là, proche et pourtant inaccessible. Ça a du être comme ça également pour le professeur La Ciura, qui a suivi sa Lighea dans les profondeurs, conscient que cet amour valait beaucoup plus que le retour. Je continue à descendre, je ne pense à rien d'autre que la rejoindre. Respirer devient difficile, mon regard s'embue. Puis, soudain, une explosion de couleurs se dessine devant moi, le rouge du corail et le jaune des gorgones agitées par le courant. Je ne suis pas Martin Eden qui se laissa glisser du navire dès lors qu'il comprit que le monde ne l'aimait pas pour ce qu'il était réellement. Là-haut, quelqu'un m'attend. Je m'immobilise, la Sirène me fait signe de la suivre. Non. Je remonte. il n'y a à pas à souffrir de cet abandon. Soixante, quarante, vingt, la chaîne de l'ancre. A nouveau les couleurs. je m’extirpe jusqu'à neuf mètres, je débute la longue décompression. Dans le panier, cette fois, il n'y a même pas une branche de corail. Je me rappelle vaguement de la Sirène qui m'avait attiré là-dessous. je comprends que l'ivresse des profondeurs me gagnait, qu'il aurait suffi d'un seul mètre en plus pour que je ne remonte jamais plus. Le marin me rejoint quand, désormais je suis à trois mètres de profondeur, la décompression est presque terminée. Les yeux sourient dans le masque coloré. C'est elle ma Sirène."


Photo de Ninni avec sa ROLEX Submariner Ref. 16610
Photo copyright Storie di Corallari, Ninni Ravazza Magenes Editore
 
CORALLIUM RUBRUM, la fièvre rouge

 
80, 90, 100m sont des distances astronomiques du fait de la barrière physiologique et psychologique qu'elles représentent.
On ne s'en rend pas compte lorsque l'on commence la plongée, c'était mon cas, surtout quand les cadrans des montres affichent des profondeurs de 1000, 2000, 4000 mètres, voire plus.

A ces profondeurs de travail, chaque minute passée au fond peut nécessiter 10, voire 15 minutes de décompression tant l'azote présent dans l'air respiré par le plongeur à saturé tous ses tissus corporels.
Vous aurez compris que la plongée au corail n'est pas une plongée de divertissement comme celles que vous vendent les groupes hôteliers des îles paradisiaques où vous allez en vacances...

Mais cette danse, ils l'ont choisie. C’est leur façon à eux de plonger et surtout, de gagner leur vie. Une fois le "panier" rempli, ils amorcent leur lente ascension jusqu'aux premiers paliers de décompression.

La plupart enverront leur récolte à la surface via un parachute ascensionnel mais d’autres préféreront encore contempler cet or rouge jusqu'à la fin. 

Quelques corailleurs de la "vieille école" plongent sans gilet stabilisateur et remontent à l’aide  de ce qu'ils appellent "l'ascenseur" : il s'agit d’un sachet ou d’un seau en plastique qu’ils gonflent avec l’air de leur détendeur.

Ainsi, ils préfèrent pouvoir se libérer facilement en cas de "pépin" dans une grotte ou un "tunnel" où le gilet est trop pénalisant.

Photo d'Alessandro Farrassino, en 1977 au Maroc
Photo copyright Storie di Corallari, Ninni Ravazza Magenes Editore
 
CORALLIUM RUBRUM, la fièvre rouge

 
Revenons aux paliers.
C’est ici qu’ils abandonneront les détendeurs de leurs blocs d'air pour respirer les gaz –souvent du 40/60 ou 50/50 selon – du narguilé que leur marin resté à bord pendant tout ce temps afin de "suivre" les bulles du plongeur remontant à la surface, leur aura fait parvenir en suivant leur ligne de vie.

Pendant ce temps, ils communiquerons via une plaquette sur laquelle ils écrivent et qui voyage entre le bateau et le plongeur, les plus modernes utilisent un laryngophe, une sorte de microphone qui capte les vibrations des cordes vocales et la pression de l air.

Plus tard, plus proches de la surface, ils poursuivront la décompression, cette fois-ci avec de l'oxygène pur, bien souvent plus profond que la limite des 6 mètres – comme toi lors de tes plongées d’exploration, pourtant déjà engagées.

Photo de corailleurs au palier
 

 
Certains y passeront plusieurs minutes, parfois plusieurs heures ! D'autres opteront pour une fin de désaturation à bord, au sec, dans un caisson hyperbare. Ils n’auront alors que 3 minutes pour se déséquiper avant de se recomprimer à l’intérieur du cylindre d’acier !

Pendant ce court laps de temps, ils seront théoriquement considérés en A.D.D. (accident de décompression).
 
CORALLIUM RUBRUM, la fièvre rouge

 
Ces "Seigneurs", tu ne les admires pas seulement car tu aimes le corail rouge et la plongée. Dire que tu éprouves du respect mêlé à de l’émerveillement est bien faible : tu les vénèrerais presque !

Le Corail, c est plus qu'un morceau de cet animal rouge au squelette calcaire, c'est plus qu'un talisman qui te protège, c'est un morceau de "l'autre monde" qu'ils ramènent à nous!

Photo de Ninni à Gibraltar 80m au corail
Photo copyright Storie di Corallari, Ninni Ravazza Magenes Editore
 

 
Eux, ne se vantent pas.
D’ailleurs, discrets, presque évanescents, ils naviguent entre deux mondes. Celui de la technologie et de l’intangible.
Entre la matérialité et les esprits.  Entre mythe et réalité. Entre la Vie et la Mort.
Toi aussi, tu aimes transpercer ce miroir qu’est la surface de l’eau. Tu adores t’immerger, traverser cette frontière que les Dieux ont imposée aux humains. Passer de l’autre côté, c’est un peu transgressif, comme rejoindre une autre rive. Et tu sais que, comme Orphée avec Eurydice, les profondeurs où tu t’aventures peuvent te retenir à tout jamais.
Mais c’est aussi ça qui te motive, ce défi lancé aux éléments et aux esprits ! Comme pour te prouver que la Vie triomphe de la Mort.
Bien sûr, tu n’es pas un kamikaze. Tu as appris à respecter les règles de ce milieu. Même si tu les bafoues de temps à autre - c’est plus fort que toi. Comme quand, quelques années auparavant, tu mettais "gaz à fond" sur ton 2 roues : tu voulais sentir vibrer ce petit quelque chose de plus.
Pour frissonner. Pour te sentir vivant.

Je tiens à remercier les personnes qui m'ont aidé à écrire ces quelques lignes:

Ninni Ravazza écrivain et Corailleur que vous retrouverez sur https://www.cosedimare.com/

Rossella Paternò qui s'occupe du site http://www.gianniroghi.com/

Simone Pierucci, Corailleur de Civitavecchia

François Palun, Corailleur et créateur de bijoux que vous pouvez voir sur https://www.lepecheurdecorail.com/

Ainsi que tous ceux qui m'ont donné envie de rédiger ce petit texte afin de leur rendre hommage: les Corailleurs, les vrais "Seigneurs de la mer".
Je pense notamment à Tore Lai, Fausto Zoboli, Cino Sacco, Piero Capula, Massimo Scarpati, Marien Poggi, Robert Rebuffat, Claude Di Domenico, Remi Oreille, Jean Philippe Giordano, Jonas Bizord-Blanco, Olivier Trubert, Jean Claude Nitard  dit "Barbette" et tant d'autres que j'oublie...

Pour finir, merci à ma sœur Sabrina pour son aide précieuse !

Photo copyright Storie di Corallari, Ninni Ravazza Magenes Editore
 




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